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D’un côté, le gouvernement devrait mettre fin aux missions des CRS maîtres-nageurs sur les plages pour les concentrer sur des missions de sécurité. De l’autre, les maîtres-nageurs en piscine sont débordés et pas assez nombreux.

Le comble pour un vacancier qui ne part pas en congés? Trouver porte close à la piscine. C’est ce que subissent des milliers de familles en Picardie, mais aussi en Seine-Saint-Denis. A Saint-Denis, le bassin extérieur de l’ensemble sportif de Marville risque de rester fermé tout l’été faute de personnel suffisant pour surveiller les amateurs de plongeons. Tous les ans, c’est la même histoire. Plans d’eau, campings, municipalités, colonies de vacances cherchent désespérément des maîtres-nageurs sauveteurs (MNS) pour enseigner la natation aux enfants et veiller à la sécurité du public.

Mais ces nageurs, titulaires d’un brevet professionnel de la jeunesse de l’éducation populaire et du sport mention activités aquatiques et de la natation, sont rares. « Il manque aujourd’hui 5.000 maîtres-nageurs, s’alarme Axel Lamotte, secrétaire général adjoint du Syndicat national professionnel des maîtres-nageurs sauveteurs. Avec les prochains départs en retraite, la situation va empirer alors que la demande explose. En quinze ans, le nombre de piscines dans les campings a triplé! »

Pour éviter les fermetures de bassins et les réductions d’horaires d’ouverture, chacun se débrouille. Et s’arrange avec la loi en faisant appel à du personnel pas toujours formé et habilité. Entre avril et juin, le Syndicat des maîtres-nageurs a répertorié près de 200 offres d’emploi par mois qui s’affranchissaient du niveau minimal requis. Dans certaines écoles, on a vu des parents enseigner eux-mêmes la brasse et le crawl. Pas très rassurant alors qu’en sixième un enfant sur deux ne sait pas nager et que les noyades sont de plus en plus fréquentes. « Il y en a eu autant entre juin et juillet que sur tout l’été 2017 ! », déplore Axel Lamotte. Il exhorte le gouvernement à présenter au plus vite le plan natation que vient d’annoncer Édouard Philippe. « Les premières victimes de ces accidents, observe- t-il, sont les familles pauvres qui n’ont pas les moyens de payer des cours particuliers à leurs enfants. »

Dernier été pour les CRS maîtres-nageurs?

Et à la plage? Là, ce sont les CRS maîtres-nageurs qui pourraient eux disparaître. Cet été pourrait marquer la fin d’une tradition née en 1958, lorsque les sauveteurs bretons bénévoles, confrontés à un nombre élevé de noyades, avaient dû appeler l’État à la rescousse. Depuis soixante ans, des policiers formés à la natation sont affectés sur les plages dangereuses ou très fréquentées mais leur nombre ne cesse de baisser. Cette année, on en recense seulement 297, répartis dans 62 communes, du département du Nord jusqu’au Var, contre 720 en 2002. « La déflation est constante », se désole Yves Lefebvre, secrétaire général d’Unité SGP Police, en pointe, avec l’Unsa Police, dans la défense de cette mission estivale. Le syndicaliste la juge primordiale : secours aux personnes en difficulté et aussi possibilité d’intervenir pour faire cesser les infractions commises sur le sable et même, qui sait, de riposter en cas d’attaque terroriste. Car, depuis 2016, les CRS maîtres-nageurs sont armés, le pistolet automatique soigneusement rangé dans une banane étanche.

Malgré la hausse du nombre de noyades (1.139 entre le 1er juin et le 26 juillet, dont 251 mortelles), ces arguments ont peu de chances de trouver un écho. Après avoir recommandé de mettre fin au dispositif en 2012, la Cour des comptes a répété l’an dernier que la facture était trop élevée pour l’État. « La question de l’optimisation de l’emploi des unités des forces mobiles se pose aussi à propos de la surveillance des plages, a-t-elle souligné. […] Les communes ne remboursent pas à l’État le coût de ces fonctionnaires mis à leur disposition. » Ces dernières se contentent de les nourrir et de les héberger.

Le 17 juillet, le ministre de l’Intérieur a semblé porter le coup de grâce. À une question du député des Landes Fabien Lainé, Gérard Collomb a répondu que les forces de l’ordre devaient « se concentrer sur leurs missions régaliennes, notamment en période estivale ». « Cette pratique est positive en termes d’image pour les CRS mais le souhait est clairement d’y mettre fin, confirme- t-on à la Direction générale de la police nationale. Se charger des secours est une mission dévolue aux maires. » Place Beauvau, on pousse les communes à embaucher des agents des services départementaux d’incendie, des employés municipaux (souvent affiliés au Syndicat national du sauvetage en mer) et même des personnels du privé.

Ce mercredi de canicule, une balade en bord de Manche le confirme : les policiers de l’été sont déjà nombreux à avoir raccroché le sifflet. À Blonville-sur-Mer (Calvados), l’essentiel des effectifs de CRS est déployé hors de la plage. Pierre Billeaux, basé à La Rochelle, a ainsi enfourché un vélo pour traquer les incivilités sur les planches : stationnements gênants, bagarres, sonos poussées à fond. À quelques pas, on croise Grégory Gauvain et son unité de motards. Eux viennent tout juste d’arrêter un jeune homme qui conduisait sans permis. Ils sont secondés par deux autres fonctionnaires, portant un gilet pare-balles et le fusil d’assaut HK G36 en bandoulière.

Sur le sable, seuls deux CRS MNS officient en août. Pour les épauler, le maire fait appel à de sauveteurs civils. Yves Lemonnier, qui voit sa commune de 1.500 habitants se transformer en ville moyenne durant l’été, couve du regard le binôme policier, ravi de ne pas se retrouver, comme son homologue de Trouville, privé de CRS : « On a des retours très positifs. Ici, c’est une plage familiale, leur présence rassure. Il y a trois semaines, un homme se masturbait devant une jeune femme. Nos jeunes sauveteurs n’auraient pas eu l’autorité nécessaire pour intervenir… »