En cette fin d’année 2020 et face aux déstabilisations de la société face au COVID-19, une question s’est posée pour certains exploitants de piscines. Une collectivité a-t-elle l’obligation de proposer l’accès à la natation scolaire ?

Une obligation de moyens et des textes de référence :

La natation scolaire est au programme de l’enseignement scolaire « prioritaire ».Cependant, l’Éducation nationale (EN) n’a ni bâtiment « école » ni bâtiment « piscine ». Par conséquent, elle ne pourrait mener sa mission si les collectivités n’étaient pas tenues de contribuer à une « obligation de moyen ». Mais la question est intéressante, on peut avoir des surprises…

Les collectivités qui n’accueillent pas le public scolaire (ex :  CDA d’Evreux) ont dû ne pas prendre cette décision… mais la faire prendre au niveau de l’EN.  Code de l’éducation pour les écoles :

Modifié par LOI n°2019-791 du 26 juillet 2019 – art. 14

L’établissement des écoles publiques, créées par application de l’article L. 212-1, est une dépense obligatoire pour les communes.

Sont également des dépenses obligatoires, dans toute école régulièrement créée :

1° Les dépenses résultant de l’article L. 212-4 ;

2° Le logement de chacun des instituteurs attachés à ces écoles ou l’indemnité représentative de celui-ci ;

3° L’entretien ou la location des bâtiments et de leurs dépendances ;

4° L’acquisition et l’entretien du mobilier scolaire ;

5° Le chauffage et l’éclairage des classes et la rémunération des personnels de service, s’il y a lieu.

De même, constitue une dépense obligatoire à la charge de la commune le logement des instituteurs qui y ont leur résidence administrative et qui sont appelés à exercer leurs fonctions dans plusieurs communes en fonction des nécessités du service de l’enseignement.

Conformément aux dispositions de l’article 63 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019, ces dispositions entrent en vigueur à la rentrée scolaire 2019.

Article L. 212-3

« Lors de la prise de décision de création d’écoles élémentaires, il est tenu compte de la nécessité d’accompagner toute construction d’un établissement scolaire des équipements nécessaires à la pratique de l’éducation physique et sportive. »

Article L. 212-4

Modifié par LOI n°2019-791 du 26 juillet 2019 – art. 26.

La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement, à l’exception des droits dus en contrepartie de la reproduction par reprographie à usage pédagogique d’œuvres protégées. Lorsque la construction ou la réhabilitation d’une école maternelle ou élémentaire d’enseignement public est décidée, le conseil municipal tient compte, pour le projet de construction ou de réhabilitation, des recommandations pour une école inclusive de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement mentionné à l’article L. 239-2.

Article L214-4

Modifié par Ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 – art. 3 () JORF 22 avril 2006 en vigueur le 1er juillet 2006.

  1. Les équipements nécessaires à la pratique de l’éducation physique et sportive doivent être prévus à l’occasion de la création d’établissements publics locaux d’enseignement, ainsi que lors de l’établissement du schéma prévisionnel des formations mentionné à l’article 214-1.
  2. Des conventions sont passées entre les établissements publics locaux d’enseignement, leur collectivité de rattachement et les propriétaires d’équipements sportifs afin de permettre la réalisation des programmes scolaires de l’éducation physique et sportive.

Cette présentation juridique abonde dans le sens d’une obligation de moyen pour les collectivités, mais si certaines dépenses sont obligatoires, d’autres sont facultatives. Lorsque les dépenses ne sont pas obligatoires, la commune peut dès lors demander aux parents une participation financière. Entrent dans cette catégorie : Les fournitures scolaires ;Les manuels scolaires ;Les études surveillées dans les écoles primaires, les frais de garderie dans les écoles maternelles ;Les activités éducatives, sportives et culturelles (attention à ne pas confondre avec l’enseignement de l’EPS qui elle est obligatoire)Les dépenses relatives à la création et au fonctionnement des conservatoires municipaux de musique ;Les dépenses de fonctionnement des cantines scolaires, leur création n’étant pas une obligation. L’engagement ou non de ce type de dépenses est liée à la politique de la collectivité.Il faut également revenir sur la compétence d’une collectivité en matière de sport.Il ne s’agit pas d’une compétence obligatoire. Mais cela ne veut pas dire qu’elle ne peut pas apporter son concours. La question est de savoir s’il y a obligation à partir du moment où la collectivité en a les moyens financiers. Les collectivités assurant une mission de service public, les infrastructures accessibles au public doivent être ouvertes à tous. Outre sa libre administration, une collectivité propriétaire d’une piscine semble pouvoir en disposer comme elle le souhaite. Cette libre administration doit certainement se faire dans le cadre de principes fondamentaux comme l’égalité de traitement. Pourquoi accepter les uns et refuser les autres ? Si une collectivité donne l’accès aux clubs alors qu’elle ne donne pas d’accès aux scolaires, le principe semble remis en cause. Il faudrait dans ce cas que la collectivité se base sur des raisons objectives pour fonder son refus… L’article L214-4 semble poser le principe d’une mise à disposition d’équipement sur mise en place d’un conventionnement. Il ne semble pas poser d’obligation aux collectivités si ce n’est au regard de la convention qui a été contractée, laquelle engage les parties. Une commune a-t-elle l’obligation de proposer l’accès à la natation scolaire aux écoles, aux établissements secondaires et proposer des créneaux ? Au sens juridique il semblerait que non dans la sauvegarde de l’égalité de traitement, mais ce serait politiquement incorrect et risquerait de ne pas passer au niveau de l’électorat, comme d’être largement incompris. Comment cela se passe pour les collectivités où il n’y a pas de piscine ?L’EN peut établir une convention avec une autre collectivité pour être accueillie sur sa piscine. Il y a certainement des cas où les élèves n’ont pas de natation scolaire faute de piscine.

Que disent les circulaires de l’Éducation nationale ?

La circulaire n° 2004-139 du 13 juillet 2004 relative à l’enseignement de la natation dans les établissements scolaires des premier et second degrés, modifiée par la circulaire n° 2004-173 du 15 octobre 2004, et la circulaire n° 2010-191 du 19 octobre 2010 sont abrogées et remplacées par la présente circulaire à compter de la rentrée scolaire 2011. Cette circulaire explique notamment qu’« apprendre à nager à tous les élèves est une priorité nationale, inscrite dans le socle commun de connaissances et de compétences. » https://www.education.gouv.fr/bo/2011/28/mene1115402c.htm

L’école permet l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture : « la scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l’ensemble des enseignements dispensés. » Ce socle commun a été défini par décret : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030426718/

 

En conclusion.  La natation scolaire faisant partie des enseignements prioritaires, une collectivité est dans l’obligation de favoriser l’accès à cet enseignement à partir du moment où il a été déterminé l’installation d’un établissement scolaire sur son territoire.Pour répondre à ses obligations de moyens, elle doit permettre la mise en place de l’enseignement permettant l’accès au savoir nager comme le prévoient l’article D. 312-47-2 du code de l’éducation, et la circulaire de l’EN de 2011 qui stipule que le savoir nager doit s’acquérir « dès la classe de 6ème et au plus tard en fin de 3ème ». La circulaire de 2017 définit les paliers et recommande un quota de séances qui ne peut être respecté par l’ensemble des écoles sur le territoire, faute de piscines, de créneaux, et de moyens pour financer les trajets en car disponibles. C’est bien là le cœur du problème, qui rend la natation scolaire « prioritaire » et non obligatoire.