Suite au projet du gouvernement, nous pensons qu’il est nécessaire, même entre nous, d’aller dans le détail et de bien comprendre ce à quoi nous sommes confrontés.
Alors que l’ensemble de nos droits sont menacés, la communication gouvernementale veut nous faire avaler que le système universel par points sera plus juste, plus équitable, plus pérenne. Il s’agit d’une propagande éhontée, quasi frauduleuse ! Et nous devons aider les travailleurs à ne pas se laisser abuser. C’est de notre responsabilité !
Delevoye, le Haut-commissaire chargé de la contre- réforme des retraites, maintenant Ministre, a présenté le 18 juillet son rapport. Il préconise sans surprise – parce que M.Macron l’avait annoncé, et parce qu’il n’a été question que de ça pendant les 18 mois de la concertation entre le gouvernement, les syndicats et le patronat – la suppression pure et simple des 42 régimes de retraite actuels, dont le régime général, les régimes complémentaires, le Code des pensions civiles et militaires, les régimes spéciaux ou particuliers, et la mise en place d’un système universel par points.
Pour justifier la disparition des régimes actuels, on nous dit que le système sera plus juste car il sera universel ?! Pipeau !
Nos systèmes sont effectivement différents selon les secteurs, mais de fait, la couverture retraite, elle, est déjà quasiment universelle avec des règles qui permettent globalement d’avoir un niveau de retraite décent (entre 70 et 75 % du salaire pour une carrière complète). Il n’y a donc pas d’injustices réelles ! Tout cela n’est qu’une opération de division, pour opposer les salariés les uns aux autres, pour tenter d’étouffer ou d’empêcher toute possibilité de résistance.
Le système universel programmé par le gouvernement s’inscrit en réalité dans une logique de reprise en main totale de la gestion des retraites par l’État pour en faire un outil de la réduction de la dette publique et dans la perspective de mettre un coup de poignard, ou un coup de massue, au système de Protection sociale collective issu du Conseil national de la résistance.
Macron, Delevoye, la presse habituée à la pensée unique, expliquent que le système sera plus juste ! Il n’en n’est rien ! Sauf à considérer, dans une conception bizarre de la justice et de l’égalité que tout le monde doit être perdant !
Et ce sera le cas : la réforme Macron/Delevoye sera une réforme en partie financière.
En effet, le postulat de départ du gouvernement, c’est de ne pas augmenter la part des richesses affectée au financement des retraites. Aujourd’hui c’est 14 % du PIB ; en 2040 et au-delà, le gouvernement a décidé que cette part ne devra pas augmenter, qu’elle devrait même baisser.
Alors, comme dans le même temps, le nombre de retraités potentiel ne va faire qu’augmenter, cela signifie que de fait le montant de toutes les pensions sans exception va baisser. Quand on a un gâteau pour 10 à partager en 50, forcément les parts sont plus petites…
Celui qui en parlait le mieux, c’est François Fillon en 2016 devant un parterre de patrons pendant sa campagne pour les primaires de la droite : « Le système par points, ça permet une chose qu’aucun homme politique n’avoue : ça permet de baisser chaque année le montant des points, la valeur des points, et donc de diminuer le niveau des pensions ».
Baisser les pensions, c’est très exactement ce que prépare le gouvernement avec son projet de réforme.
Je reviens un peu sur le projet, parce qu’il faut bien comprendre qu’on va trinquer 3 fois :
- Premièrement par le système par points qui baisse les pensions :
Actuellement, le montant de la retraite est calculé sur les 25 meilleures années pour les salariés du privé et sur les 6 derniers mois pour les agents publics : tordons le cou immédiatement à une idée reçue : non, les fonctionnaires ne sont pas avantagés ; non, l’application aux salariés du secteur privé du calcul sur les 6 derniers mois ne serait pas plus favorable, eux dont la fin de carrière est de plus en plus précaire, et dont la rémunération est, de fait, aussi, de plus en plus précaire.
Le calcul de la retraite ne se fera plus sur les meilleures années de travail, mais avec le projet Macron/Delevoye, on obtiendrait des points en fonction des cotisations payées tout au long de notre carrière.
Pas besoin d’être un expert pour comprendre que toutes les retraites vont baisser si on ajoute à ce calcul des pensions les pires années de la carrière (17, 18, 19…) : les périodes de chômage, de contrats précaires, de minima sociaux, la maladie, la maternité et toutes les périodes sans activité.
Le Haut-commissaire fait un tour de passe-passe sur cette question en expliquant que le futur système sera plus juste, car ces périodes permettront d’acquérir des points : c’est vrai, mais le nombre de points sera de fait moins important qu’en activité complète puisqu’on cotisera moins. C’est un système mille fois plus pénalisant que le système actuel : aujourd’hui, ces périodes sans activité valident des trimestres dans certaines conditions. Et les faibles revenus perçus dans ces moments de précarité sont neutralisés parce que la retraite est calculée sur les 25 meilleures années ou les 6 derniers mois.
Tout le monde va subir les effets de ce calcul des retraites sur l’ensemble de la carrière, et surtout les plus jeunes : on commence à travailler de plus en plus tard, les carrières sont de plus en plus chaotiques, et si on nous bassine en nous disant qu’il faut travailler plus longtemps, la réalité c’est que déjà aujourd’hui la moitié des gens qui prennent leur retraite ne sont plus en activité.
Compte tenu de ce que nous venons de décliner, et qui est incontestable, qui peut sérieusement ou honnêtement expliquer que le système par points est plus favorable ? Ceux qui le font sont des menteurs et des truqueurs !
- Deuxièmement, la décote :
Actuellement, l’âge légal de départ en retraite est de 62 ans pour une durée de cotisation de 42 ans pour tout le monde… (bientôt 43 ans grâce à la ministre dite de gauche Marisol Touraine)
Dans le projet Macron/Delevoye, il n’y aura plus d’âge légal, mais un âge plancher de 62 ans et, ça c’est nouveau, un âge d’équilibre, ou un âge pivot, fixé à 64 ans dans un premier temps (65, 66, 67…).
Donc ceux qui voudront prendre leur retraite à 62 ans pourront le faire librement, aucun problème. Mais ils en subiront les conséquences par une baisse des retraites liée à un mécanisme de décote définitive, un malus permanent, entre 62 et 64 ans. Et si l’âge d’équilibre est encore reporté (ce qui est vraisemblable), eh bien, la décote sera de fait encore plus importante.
C’est clair, la décote, c’est la double peine ! Et ce n’est pas fini…
- Troisièmement : la valeur du point
Il y a deux valeurs du point : celle d’achat (10 euros de cotisation = 1 point), et la valeur du point de service qui sert à fixer le montant de la pension.
Comme la réforme va imposer une règle d’or : le régime de retraite ne pourra pas être déficitaire, ça signifie que le gouvernement pourra jouer (en plus de l’âge pivot) sur le montant de la valeur du point pour faire baisser les dépenses.
La valeur du point ne sera donc absolument pas garantie et le niveau des pensions non plus : ils dépendront de la situation financière du régime de retraite au moment où les salariés partiront, mais aussi de la situation économique du pays, et peut-être aussi de l’espérance de vie moyenne.
Et là, c’est la triple peine… le coup de grâce !
Alors, le gouvernement peut utiliser tous les artifices possibles pour justifier sa réforme, pour expliquer qu’elle sera juste et équitable. La réalité n’est pas celle-là !
La baisse des pensions, obligera inévitablement les salariés à travailler plus longtemps ; en tout cas ceux qui le pourront physiquement ou ceux dont les entreprises ne s’en seront pas débarrassés parce qu’ils ne sont plus jugés rentables ou compétitifs. Pour eux, c’est le travail ou la précarité sans fin !
Par contre, les plus riches, eux, pourront compenser cette régression en souscrivant individuellement des produits financiers, des produits d’épargne retraite, etc.
Alors non, ce système universel par points n’est ni plus juste, ni plus équitable ! Ce qui va être universel, c’est la précarité et c’est un système au rabais pour tous.