Le 28 février 2022, ASPORTA, mandaté par le Ministère chargé des Sports, a révélé les résultats préliminaires de son enquête qui visait à faire le recensement des besoins de surveillance de nos piscines. En tout, 238 piscines publiques ont répondu aux 23 questions orientées vers la pénurie de surveillance dans ces ERP. Vert Marine, Récréa, le SNELAC et Equalia ont pris un peu de leur temps pour répondre au questionnaire, mais n’ont pas souhaité répondre à l’ensemble des 23 questions. Il faut saluer cet effort car la pénurie de MNS qu’ils entretiennent par les conditions de travail déplorables et les bas salaires les empêchent de prendre du temps pour répondre à l’ensemble des questions. Les résultats ne portent donc que sur les 238 piscines publiques qui ont répondu. Un résultat extrêmement faible comparé au nombre d’ERP piscines qui existent sur le territoire français.
[1]Un rapport datant de 2009, effectué par le ministère de santé et des sports (MSS), recensait 4 135 « piscines privées et publiques accessibles au public à titre gratuit ou payant, avec pour objectif principal d’y pratiquer une activité physique et/ou sportive » en France (DOM TOM comprises). Les résultats de l’enquête sur la surveillance renseignent donc un peu plus de 5% des piscines recensées en France. Un échantillon qui n’est pas du tout représentatif !
Le rapport commence par le constat qu’il y a plus de postes de MNS que de MNS réellement disponibles. Comment en être sûr alors même que le dernier rapport qui recense les ERP piscines en France date de 2009 ? Combien de MNS sont diplômés et recyclés à jour à l’heure actuelle ? L’arrêté du 29 juillet 2021 qui a modifié le BPJEPS AAN recensait 19 138 MNS ayant une carte professionnelle à jour au mois d’août 2020. Qu’en est-il des MNS fonctionnaires qui n’ont pas de carte professionnelle parce que leur administration leur explique qu’elle n’est pas obligatoire face au statut ? Les travaux du CAFEMAS de 2013 avaient constaté une différence de taux de déclaration entre les MNS du privé et du public. Nous croisons à chaque CAEPMNS encore aujourd’hui des MNS ETAPS qui ne sont pas déclarés sur le site eaps.gouv.fr.
Le rapport fait état de la difficulté des collectivités à garder leurs MNS. 66% ont mis en place des indicatifs salariaux (primes, majorations, récupérations pour fidéliser et garder leurs MNS). Nous avons peine à y croire vu les mouvements de grève des MNS contre le dispositif des 1607h qui sont en cours depuis plus d’un an et qui continuent malgré le début de l’application de la loi de la Transformation de la Fonction Publique en janvier 2022. La perte des aménagements dus aux diverses pénibilités de la profession est dénoncée par les agents MNS, et notamment celle des majorations et récupérations.
Certains résultats portent sur le nombre de postes de surveillants vacants et/ou pourvus par des MNS ou des BNSSA, alors qu’au-dessus on nous parlait d’une difficulté de recrutement des MNS. Ils ne sont pas embauchés sur des postes de « surveillants » mais sur des postes de MNS, qui allient des missions de surveillance, d’enseignement, ainsi que de vérification de l’hygiène et de la sécurité de la piscine (analyses d’eau, vérification du matériel de secours, etc…). Certes, quelques MNS se retrouvent OTAPS dans des collectivités et assurent uniquement des missions de surveillance, mais ne représentent pas l’écrasante majorité.
Nous ne parlerons pas des résultats des DSP qui ont pris du temps pour répondre partiellement au questionnaire, puisqu’ils font juste état des postes vacants dans leurs établissements, sans en donner la cause ni expliquer ce qu’ils auraient pu créer pour garder leurs MNS et diminuer le turn over.
Après de maigres résultats, la conclusion fait état d’une nécessité d’améliorer les formations. On nous glisse d’ailleurs dans l’oreillette qu’ils sont en train de rédiger avec l’AFNOR une norme sur la surveillance des piscines publiques pour ériger des règles sur la formation, le positionnement, travailler au bord des piscines et améliorer la surveillance. Améliorer la surveillance de quel personnel ? Les MNS qui recensent 0% de noyades mortelles et moins de 3% des noyades accidentelles dans les ERP piscines d’accès payant sur l’été 2021 ? ([2]Chiffres provenant de l’Enquête Santé Publique France Noyades de l’été 2021). Par le biais des 238 réponses en régie publique, nous savons que très peu de postes de « surveillants » en collectivité sont assurés par des BNSSA. Mis en corrélation avec le peu de noyades mortelles et accidentelles, on sait que ce curseur n’est pas à bouger. La facilitation de recrutement des BNSSA, leur intégration et leur complémentarité dans l’équipe ne sont pas nécessaires puisque les MNS sont déjà excellents dans leur mission de surveillance. ASPORTA met ensuite en avant le fait que les employeurs doivent former à la spécificité de leur établissement : façon de surveiller, public accueilli, les points de sécurité, le POSS, etc… Sauf que ça ne date pas d’hier et le Code du Travail a même réservé une section entière pour cette formation. Elle doit montrer les différents points de sécurité de chaque établissement, la conduite à tenir en cas d’accident aux nouveaux employés, avant le premier jour de travail. Les ERP piscines ne sont pas exemptées de cette formation, et tous les employés de ces établissements y sont soumis, y compris les MNS et BNSSA qui sont embauchés. Cette formation est tellement peu effectuée sur le terrain qu’ASPORTA en a oublié l’existence. Petite piqure de rappel, la [3] Section 1 qui s’appelle « Objet et organisation de l’information et de la formation à la sécurité » dans le Code du Travail explique tout pour pouvoir l’organiser dans de bonnes conditions dans les ERP piscines. Nous faisons gagner du temps à tout le monde : au lieu de réinventer ces articles du Code du Travail, qui sont primordiaux pour la sécurité des employés, et par conséquent ceux du public qui bénéficie des ERP piscines, mettez les moyens en place pour faire vérifier sur le terrain que cette formation a été réalisée sur l’ensemble du personnel.
Cette enquête orientée vers la pénurie de MNS et le besoin cruel de BNSSA pour remplacer les MNS manquants qui assureront la surveillance en autonomie n’est qu’une coquille vide. L’échantillon des réponses est dérisoire et ne représente pas une réalité de terrain. Les conclusions portent essentiellement sur la facilitation d’intégration des BNSSA en autonomie dans les piscines sans chercher la cause de la pénurie de MNS. Si les MNS ne restent pas pour subir des conditions de travail dégradées, des horaires décalés, du travail pendant les week-ends et les jours fériés, un salaire de plus en plus bas, qui est assez fou pour croire que les BNSSA rempliront le manque avec un salaire proche du SMIC et toutes les conditions de travail non avantageuses des MNS ? Qui est assez fou pour croire qu’avec ces conditions de travail très peu attractives, les BNSSA auront envie de pérenniser leur expérience par une formation BPJEPS AAN ?
Nous voyons clair dans le jeu du Ministère chargé des Sports, qui, par le biais de cette pseudo-enquête, tente de faire passer la pilule de l’autonomie de surveillance des BNSSA sans dérogation. Encore une fois, le Ministère prend le problème à l’envers : avant de combler le déficit de MNS par le diplôme d’en-dessous, il faudrait écouter les représentants des MNS et mettre en œuvre une vraie revalorisation de la profession de MNS. La similitude de cette méthode fait le lien avec l’actualité puisque le contexte ressemble énormément aux sous qualifications acceptées en milieu hospitalier ou EHPAD afin de palier aux déficits de médecin, infirmiers, aides soignants. Au risque de remettre en cause les excellents chiffres de la proportion des noyades en piscines d’accès payant face aux millions d’entrées par an.
Nous continuons notre mobilisation sur le terrain contre la loi des 1607h dans la Fonction Publique, qui impacte entre autres les MNS sans valoriser la pénibilité de leur cadre de travail. Nous continuons notre mobilisation sur le terrain contre ce décret de la surveillance, qui ne règlera pas le problème de pénurie de MNS, baissera le niveau de surveillance des ERP piscines et mettra en danger les BNSSA qui seront laissés en autonomie dans les piscines sans connaissance des spécificités du milieu.
Nos préavis de grève ont été reconduits pour le mois de mars 2022 (1607h dans la fonction publique et préavis contre le décret de la surveillance), retrouvez toutes les informations sur le site www.snpmns.org
L’enquête ASPORTA : https://u.pcloud.link/publink/show?code=aiyctalK
1 : https://www.sports.gouv.fr/autres/Part_Un.pdf
3 : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000019960811