A l’attention de

Monsieur le Premier Ministre Gabriel Attal

Objet : suppression de la vidange obligatoire annuelle dans les piscines municipales.

 

A Clichy la Garenne, le mercredi 15 mai 2024.

Monsieur le Premier Ministre,

Le 23 avril 2024, à l’occasion du 8ème Comité Interministériel de la Transformation Publique, vous avez entre autres évoqué la volonté de supprimer la vidange annuelle obligatoire des piscines municipales pour fin 2024. Le Syndicat National Professionnel des Maîtres-Nageurs Sauveteurs souhaite vous adresser ses inquiétudes quant à un tel projet.

Les Etablissements Recevant du Public (E.R.P.) piscines doivent respecter des normes spécifiques afin que les usagers évoluent dans l’établissement dans de bonnes conditions de santé publique (sécurité et hygiène). Ceci afin notamment d’éviter de nombreuses pathologies comme les infections cutanées, les affections de la sphère O.R.L., les troubles intestinaux, les maladies professionnelles etc. Ces normes sont également importantes pour prévenir les oxydations accélérées des locaux par réaction aux dégradations du chlore. Cela passe en particulier par un contrôle régulier de la qualité de l’eau, de l’air et des installations afin que l’établissement garantisse un haut niveau d’accueil en matière d’hygiène.

La règlementation a évolué ces dernières années, notamment avec l’arrêté du 7 septembre 2016, qui a abaissé le nombre de vidanges obligatoires à une par année. Plus récemment, l’arrêté du 26 mai 2021 a espacé les contrôles sanitaires diligentés par les ARS à une par trimestre dans les établissements recevant du public piscine, contre une fois par mois auparavant.

Ces dérèglementations participent à une baisse de la qualité de l’eau et de l’air dans les piscines, ce qui a été pointé du doigt par l’ANSES dans son avis du 12 novembre 2019[1]. L’agence y rappelle qu’elle était opposée au passage à une vidange obligatoire par an et recommandait de revenir à une vidange trimestrielle. Cet avis a notamment été rendu à la suite de plusieurs études antérieures qui démontraient déjà qu’un abaissement de la qualité du traitement de l’eau et de l’air des piscines engendrait des répercussions néfastes sur les professionnels et les usagers des piscines[2].

De plus, l’espacement des contrôles diligentés par l’ARS sur la qualité de l’eau dans les piscines municipales n’aide pas à maintenir une vigilance sur un taux de propreté des bassins suffisant. Cela nécessiterait une vidange partielle ou complète sur demande du préfet après la demande du directeur général de l’ARS compétente, conformément à l’article 11 de l’arrêté du 7 avril 1981 modifié le 26 mai 2021.

Le ministère de la Santé et de la Prévention a également été sollicité plusieurs fois par des parlementaires qui demandaient à ce que la vidange annuelle soit supprimée, pour des raisons budgétaires et de pénurie d’eau. M. le sénateur Olivier Paccaud a par exemple adressé cette demande à Mme la ministre de la Santé et de la Prévention, Brigitte Bourguignon à l’époque (question publiée le 6 octobre 2022). Elle a répondu que la vidange annuelle obligatoire « se justifie par des motifs de santé publique » car elle « vise à assurer la sécurité sanitaire des baigneurs en les protégeant des pathologies pouvant être associées à la baignade en piscine […]. La mise en œuvre de cette opération de vidange permet le nettoyage complet et la désinfection des bassins ainsi que le renouvellement de l’eau de la piscine dont la qualité ne peut plus être assurée par le traitement habituel. »

Madame la ministre de la Santé et de la Prévention avait également souligné dans sa réponse que le passage de la vidange trimestrielle à annuelle avait augmenté les risques de surconcentration en chlorures dans les bassins, détectés par des dépassements réguliers des normes réglementaires de qualité d’eau dans plusieurs piscines du territoire. Cela prouve que la vidange permet de maintenir un niveau d’hygiène et de concentration en chlore acceptables sur une période donnée, qui n’est pas infinie. Le renouvellement de l’eau apparaît nécessaire afin d’assurer cette qualité d’eau pour les usagers qui viennent nager dans nos piscines municipales.

Nous sommes conscients que les coûts d’une vidange sont élevés pour les communes, qui sont de plus en plus prises à la gorge au niveau des budgets. Toutefois, nous nous interrogeons sur les coûts supplémentaires qui seront à prévoir au niveau de la sécurité sociale concernant l’augmentation des pathologies dues à cette diminution des vidanges : les soins apportés aux personnes atteintes de pathologies propres à la baignade en piscine ne va-t-il simplement pas déplacer le problème budgétaire ailleurs ? Quel impact à long terme sur la santé des usagers et des professionnels qui évoluent autour de ces bassins ? Les maladies dues à une atmosphère chargée en chloramines ont des répercussions irréversibles sur le système respiratoire des professionnels, mais également des nageurs de haut niveau, qui passent presqu’autant de temps dans les bassins que les MNS eux-mêmes. Il faut également évoquer les personnes plus sensibles (enfants et personnes âgées) qui peuvent développer des symptômes plus rapidement que le reste du public.

Une question similaire, cette fois-ci posée par M. le député Antoine Armand le 26 septembre 2023 a obtenu une réponse analogue. Les questionnements autour de la pénurie d’eau sont de plus en plus récurrents, et nous sommes également conscients que c’est une problématique à prendre en compte pour l’avenir. Madame la ministre de la Santé et de la Prévention a notamment expliqué que la Direction Générale de la Santé avait diligenté l’ANSES pour une expertise qui prendrait en compte la problématique des sécheresses, ainsi que la nécessité des vidanges pour maintenir un haut niveau de santé publique dans les piscines municipales. Il nous semble que cette expertise n’a pas encore vu le jour, et que l’ANSES vient de terminer son appel à candidatures pour créer un groupe de travail sur les qualités de l’eau. Evoquer la volonté de supprimer cette vidange annuelle obligatoire avant que les experts n’aient eu le temps de s’exprimer sur le sujet nous paraît prématuré.

En effet, il existe des alternatives à la suppression de la vidange obligatoire annuelle : l’eau peut par exemple être réutilisée par les collectivités, afin que cette opération de maintien de l’hygiène soit la plus économe possible, en eau et en budget. Il existe des solutions pour que cette opération nécessaire à la santé publique puisse perdurer dans le temps, malgré les épisodes de sécheresse qui ne vont faire qu’augmenter.

J’espère que cette lettre vous permettra de réviser votre volonté de supprimer cette vidange annuelle obligatoire. Nous vous demandons d’attendre les conclusions du collectif d’experts diligenté par l’ANSES avant de prendre une décision qui sera plus en adéquation avec les questions de santé publique, mais aussi avec les problématiques de sécheresse actuelles.

Je me tiens à votre entière disposition pour évoquer le sujet plus longuement. Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, mes salutations les plus respectueuses.

Claire Léger

Secrétaire Générale SNPMNS

[1] Avis de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire relatif à un projet de décret et quatre projets d’arrêtés relatifs à la sécurité sanitaire des eaux de piscine du 12 novembre 2019.

[2] Les chloramines dans l’eau potable, document technique pour consultation publique, Health Canada, 2019.

Evaluation des risques sanitaires liés aux piscines, avis de l’AFFSET, mars 2012.